La puissance de la réfutation - Platon - Extraits et questions

"SOCRATE

XII. — J’imagine, Gorgias, que tu as, comme moi, assisté à bien des discussions et que tu y as remarqué une chose, c’est que les interlocuteurs ont bien de la peine à définir entre eux le sujet qu’ils entreprennent de discuter et à terminer l’entretien après s’être instruits et avoir instruit les autres. Sont‑ils en désaccord sur un point et l’un prétend‑il que l’autre parle avec peu de justesse ou de clarté, ils se fâchent et s’imaginent que c’est par envie qu’on les contredit et qu’on leur cherche chicane, au lieu de chercher la solution du problème a débattre. Quelques‑uns même se séparent à la fin comme des goujats, après s’être chargés d’injures et avoir échangé des propos tels que les assistants s’en veulent à eux‑mêmes d’avoir eu l’idée d’assister à de pareilles disputes. Pourquoi dis‑je ces choses ? C’est qu’en ce moment tu me parais exprimer des idées qui ne concordent pas tout à fait et ne sont pas en harmonie avec ce que tu as dit d’abord de la rhétorique. Aussi j’hésite à te réfuter : j’ai peur que tu ne te mettes en tête que, si je parle, ce n’est pas pour éclaircir le sujet, mais pour te chercher chicane à toi-même. Si donc tu es un homme de ma sorte, je t’interrogerai volontiers ; sinon, je m’en tiendrai là. De quelle sorte suis‑je donc ? Je suis de ceux qui ont plaisir à être réfutés, s’ils disent quelque chose de faux, et qui ont plaisir aussi à réfuter les autres, quand ils avancent quelque chose d’inexact, mais qui n’aiment pas moins à être réfutés qu’à réfuter. Je tiens en effet qu’il y a plus à gagner à être réfuté, parce qu’il est bien plus avantageux d’être soi-même délivré du plus grand des maux que d’en déli­vrer autrui ; car, à mon avis, il n’y a pour l’homme rien de si funeste que d’avoir une opinion fausse sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Si donc tu m’affirmes être dans les mêmes dispositions que moi, causons ; si au contraire tu es d’avis qu’il faut en rester là, restons‑y et finissons la discussion."


Platon, Gorgias, traduction E. Chambry, Garnier-Flammarion, 1992, pp. 186.


Questions

1. En t'aidant du dictionnaire, explique le sens que Platon donne dans cet extrait à la "réfutation".

https://www.cnrtl.fr/definition/réfuter

2. Montre en quoi cet extrait est une réponse au texte précédent.

3. A partir de cet extrait, montre en quoi le débat (par exemple, le débat politique) diffère de la discussion. En t'aidant du dictionnaire et des arguments de Platon, montre en quoi le débat est stérile, confortant seulement chacun dans son opinion, là où la discussion, au contraire, est féconde, nourrissant et faisant évoluer les pensées.

https://www.cnrtl.fr/definition/débat

https://www.cnrtl.fr/definition/discussion

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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